Maroc, dans le secret de la sexualité préconjuguale

Quelques semaines après la parution du livre de Leila Slimani sur la sexualité des Marocains, la journaliste et chroniqueuse Sanaa El Aji mène une enquête sur la sexualité avant le mariage. 

Devant une salle comble – preuve que la sexualité – est un sujet qui passionne et tourmente en même temps les Marocains, Sanaa El Aji présente a présenté, le 25 octobre à l’Institut français de Casablanca, son livre, «Sexualité et célibat au Maroc, pratiques et verbalisation»*.

Sujet tabou, la sexualité préconjuguale est présentée comme un comportement déviant, touchant des personnes marginales. Mais dans la réalité de tous les jours, elle existe bel et bien et traverse toutes les couches de la société, malgré les normes strictes imposées aux personnes célibataires : la religion, la société et le droit positif. Elle est pratiquée sous des formes cachées ou visibles, ne serait-ce que parce que l’âge légal du mariage a augmenté, que le phénomène du célibat commence à prendre de l’ampleur et que certains contraceptifs sont désormais en vente libre. C’est ce que s’attache à démontrer l’auteure dans sa recherche dont l’objectif est « non pas de légitimer des pratiques sexuelles socialement rejetées, mais plutôt de les comprendre. » Cette sexualité préconjugale n’en est pas moins tolérée quand elle est cachée. Cet argument hypocrite revient souvent dans la bouche des défenseurs de l’interdiction et de l’abstinence : « on sait que cela existe, mais il ne faudrait pas que ce soit en public ». Les Marocains, démontre l’auteure, ne veulent surtout pas qu’une sexualité préconjugale se montre au grand jour dans l’espace public, car cela lui donnerait une reconnaissance qu’ils refusent.

Couvrez ce corps que je ne saurais voir

Tout un chapitre est dédié aux représentations du corps dans l’espace public. Celui de la femme subjugue, en même temps qu’il dérange. Hamid, 21 ans, ouvrier à Agadir, se plaint : «Ecoute ma sœur, je vais te dire. Il est impossible que tu voies toute cette chair à profusion et que tu te retiennes. C’est difficile…Tu comprends ? Si la fille se respecte, tout le monde la respectera…» Il y a, commente l’auteure, tout le poids social « qui s’exerce sur le corps féminin dans un cadre normatif et codifié », si bien que cette représentation devient une chose normale pour les filles elles-mêmes.

Comment est pratiqué le premier rapport sexuel d’un jeune au Maroc ? D’abord, répond l’auteure dans sa démonstration, cette « première fois » n’implique pas systématiquement la pénétration. Outre l’incontournable clandestinité dans l’exercice, il s’agit surtout d’un compromis que les partenaires trouvent entre une relation sexuelle satisfaisante et le respect des normes sociales. Cette pratique «représente une facette des multiples arrangements mis en place par les partenaires pour préserver l’hymen, capital principal pour intégrer la vie matrimoniales». Nombre de jeunes filles ont en effet recourt à des spécialistes pour « réparer » l’hymen rompu afin de préserver leur « chasteté ».

*Editions La Croisée des chemins, Casablanca, 411 pages, 100 DH

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