« Mort au régime iranien qui tue nos enfants »

Marjane Satrapi, 2022.

L’intoxication sans cause apparente de milliers d’écolières iraniennes a incité des dizaines de milliers d’Iraniens redescendre dans la rue pour exprimer leur colère envers le régime. Des manifestations ont éclaté mardi 7 mars dans plus d’une douzaine de villes iraniennes.

« Mort au régime qui tue des enfants », ont scandé les manifestants, certains brandissant des pancartes sur lesquelles on pouvait lire « Protégez la sécurité des écoles », montraient les vidéos.

Les manifestations géantes contre le voile islamique qui ont secoué le pays de septembre à décembre 2022 s’étant largement essoufflées sous les coups du gouvernement, les arrestations massives et l’exécution de plusieurs manifestants, nul n’imaginait que le mouvement de contestation puisse rebondir. Et pourtant, mardi 7 mars, des centaines de parents, d’enseignants et de citoyens ordinaires se sont rassemblés devant les écoles et les bureaux locaux du ministère de l’Éducation à Téhéran, Shiraz, Mashhad, Rasht, Sanandaj et dans d’autres villes. Les étudiants de plusieurs campus universitaires ont également organisé des manifestations théâtrales au cours desquelles ils se sont allongés sur le sol et ont fait semblant d’étouffer.

Après deux mois de calme relatif, le cycle manifestations-répression allait-il rebondir ? La question méritait d’autant plus d’être posée que le phénomène a surgi dans plusieurs villes iraniennes.

Dans plusieurs villes, les forces de sécurité ont lancé des gaz lacrymogènes contre des enseignants et des parents qui manifestaient pacifiquement (vidéos).

Mardi, le ministère de l’Intérieur a annoncé qu’il avait procédé à des arrestations dans cinq provinces en lien avec ces épisodes. Le vice-ministre de l’Intérieur, Majid Mohammadi, a déclaré à la télévision d’Etat que certaines des personnes arrêtées n’étaient « pas des ennemis ». En revanche, le porte-parole des forces armées, le général Saeed Montazer Al-Mahdi, a déclaré aux médias iraniens que les personnes arrêtées avaient pour tentation de « créer l’insécurité et le chaos » et il les a accusés d’agir pour le compte d’agents étrangers.

Un journaliste de Qom News, Ali Pour Tabatabei, qui a été le premier à informer sur les intoxications d’écolières a été arrêté dimanche à Qom. Le pouvoir judiciaire l’a accusé de « répandre des mensonges et des rumeurs ».

Les écolières iraniennes ont commencé à tomber malades il y a trois mois à Qom dans ce que certains responsables gouvernementaux ont qualifié d’attaques. Depuis lors, les épisodes se sont propagés à plus de 200 écoles, y compris des dortoirs universitaires, dans 27 des 31 provinces iraniennes, selon de nouveaux médias locaux et des groupes de défense des droits.

Lundi, un législateur, Mohammad Hassan Asafari, a déclaré qu’au moins 5 000 étudiants avaient demandé un traitement médical pour des symptômes d’empoisonnement.

L’explication des maladies reste un mystère. Certains ont parlé d’empoisonnement délibéré à l’azote gazeux, tandis que d’autres ont suggéré une hystérie de masse. Certains militants des droits de l’homme affirment que des groupes extrémistes islamistes opposés à l’éducation des filles pourraient en être responsables, ce qui serait inhabituel car l’éducation des filles n’a jamais été contestée ou attaquée en Iran. Beaucoup d’autres blâment le gouvernement pour ces épisodes et disent qu’ils font partie d’une répression systématique contre les adolescents qui participent à des manifestations.

Le guide suprême iranien, l’ayatollah Ali Khamenei, a déclaré lundi que « l’empoisonnement » des écolières était « un crime important et impardonnable » et que les auteurs devaient faire face à la peine maximale. Les parents interrogés en Iran ont déclaré qu’ils étaient terrifiés à l’idée d’envoyer leurs enfants à l’école et qu’ils ne faisaient pas confiance à l’enquête du gouvernement.

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Nicolas Beau
Ancien du Monde, de Libération et du Canard Enchainé, Nicolas Beau a été directeur de la rédaction de Bakchich. Il est professeur associé à l'Institut Maghreb (Paris 8) et l'auteur de plusieurs livres: "Les beurgeois de la République" (Le Seuil) "La maison Pasqua"(Plon), "BHL, une imposture française" (Les Arènes), "Le vilain petit Qatar" (Fayard avec Jacques Marie Bourget), "La régente de Carthage" (La Découverte, avec Catherine Graciet) et "Notre ami Ben Ali" (La Découverte, avec Jean Pierre Tuquoi)