Iran, 4000 manifestation dans 282 villes

À l’approche de l’anniversaire d’un an du vendredi sanglant de Zahedan, où des manifestants ont été violemment réprimés, le mouvement pour la justice et les partisans de la liberté baloutches ont annoncé la création d’une unité rebelle, défiant ouvertement le régime.

Une chronique de Hameid Enayat, opposant iranien

Face à cette menace grandissante, la théocratie au pouvoir a réagi avec brutalité. Le général Radan, connu pour sa répression impitoyable, a été nommé à la tête des forces de police, intensifiant la répression contre les manifestants. Les patrouilles de la police des mœurs sont revenues dans les rues, terrorisant la population. Les universités ont été purgées de leurs professeurs dissidents, privant ainsi les jeunes de l’accès à l’éducation et à la pensée critique.

Les chiffres sont alarmants. Le régime prétend avoir arrêté plus de deux mille personnes en seulement 48 heures, démontrant ainsi sa volonté de réprimer toute voix dissidente. Les Moudjahidines du peuple (l’OMPI), une composante clé du Conseil national de la Résistance iranienne, ont signalé que plus de trois mille proches de leurs membres étaient portés disparus depuis des mois, laissant des familles dans l’angoisse.

Selon certains observateurs, le soulèvement de 2022 ressemble à un jeu dangereux entre l’opposition et le régime. L’opposition revendique 1500 opérations anti-répression et 4000 manifestations dans 282 villes au cours des premiers cent jours de la révolte. Ces chiffres laissent entrevoir la possibilité d’une nouvelle vague d’émeutes urbaines qui pourrait finalement mettre un terme au régime.

À l’approche de l’anniversaire du soulèvement, le régime a annoncé successivement l’arrestation de 2000 personnes et la découverte de 20 000 bombes. Quelle que soit la véracité de ces affirmations, elles illustrent un climat explosif qui règne dans la société iranienne. La théocratie a perdu toute légitimité et crédibilité aux yeux du peuple. Elle est incapable de répondre aux besoins fondamentaux de ses citoyens, notamment en matière d’emploi, de lutte contre l’inflation à deux ou trois chiffres, de gestion de la pénurie d’eau et de lutte contre la corruption endémique.

Selon des enquêtes officielles, plus de 50 % des Iraniens sont en colère contre le gouvernement. La jeunesse, souvent désignée comme la génération des années 2000, est à l’avant-garde de la contestation. Elle se forge des convictions en ligne, à l’abri de la propagande cléricale, qui a perdu tout pouvoir sur cette génération rebelle.

Le tableau est sombre, avec des millions de personnes vivant dans la pauvreté, le fossé entre les classes qui ne cesse de s’agrandir, et une économie en lambeaux. La société iranienne est polarisée, avec seulement 5 % de la population ayant accès à la richesse, tandis que 95 % luttent pour leur survie.

Alors que l’Iran commémore cet anniversaire, il est clair que tous les éléments sont réunis pour un autre soulèvement, potentiellement plus déterminé et offensif que jamais. La question qui persiste est de savoir si le régime pourra survivre à la confrontation finale qui se profile à l’horizon.

 

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Nicolas Beau
Ancien du Monde, de Libération et du Canard Enchainé, Nicolas Beau a été directeur de la rédaction de Bakchich. Il est professeur associé à l'Institut Maghreb (Paris 8) et l'auteur de plusieurs livres: "Les beurgeois de la République" (Le Seuil) "La maison Pasqua"(Plon), "BHL, une imposture française" (Les Arènes), "Le vilain petit Qatar" (Fayard avec Jacques Marie Bourget), "La régente de Carthage" (La Découverte, avec Catherine Graciet) et "Notre ami Ben Ali" (La Découverte, avec Jean Pierre Tuquoi)