La Palestine, une terre à défendre

Depuis que le président américain Donald Trump a annoncé froidement sa décision de transférer l’ambassade des États-Unis de Tel Aviv à Jérusalem, le monde arabe s’est retrouvé, encore une fois, plongé dans l’apathie. Une chronique de Mounira El Bouti

On a cru que la nouvelle saillie de Trump allait faire exploser le monde politique arabe, mais ce sont les réseaux sociaux qui ont explosé. « Al Qods Lana », Jérusalem est à nous, ont écrit des centaines de milliers d’Arabes a mari usque ad mare sur les réseaux sociaux. Des mots face à la torpeur.

De la colère virtuelle

Les Arabes en colère ont changé leurs photos de profile facebook pour dire leur « refus » à la décision de Trump. Ils se sont empressés de sortir leurs hashtags, likes et autres commentaires pour restituer leur capitale aux palestiniens !

A Alger, les gens sont plus silencieux que d’habitude, on s’attendait à une grosse colère mais les rues sont calmes et les quelques manifestations qui ont eu lieu, discrètement, dans quelques villes n’ont pas fait coulé beaucoup d’encre. A se demander si les Algériens ont fini par se dépassionner du débat ?

Ou sont-ils simplement lassés de trop en faire pour les autres sans réciprocité ? C’est bien ce que pensent beaucoup d’Algériens interloqués : « Quand nous avons traversé la décennie noire, les Arabes n’ont pas bougé le petit doigt pour nous aider ».

Piège de l’individualisme

En effet, l’Algérie qui fut à l’époque Boumediene, la Mecque des révolutionnaires n’est plus la même, le sort des peuples opprimés n’intéresse plus personne puisque en Algérie, le peuple se sent lui-même opprimé.

Et l’opacité politique qui règne à Alger absorbe l’énergie des jeunes qui n’ont ni les moyens ni le cœur à s’intéresser à « autre chose ». En réalité, ce ne sont pas nos peuples qui sont individualistes; mais leurs dirigeants qui les réduisent à l’être. Ils frappent tellement fort qu’ils ne laissent même pas de temps à la guérison des blessures dues à leurs coups.

La Palestine, ce fonds de commerce

Bien que leur « colère » s’exprime dans la diligence, les plaideurs de la cause palestinienne parmi les arabes, pas seulement les Algériens, sont souvent récupérés par des beaux parleurs qui cherchent constamment des soubassements théoriques à leurs impostures

Aussi, en Algérie comme partout ailleurs dans le monde arabe, la cause palestinienne porte pour la plupart du temps, le drapeau religieux, souvent brandi par les partis islamistes pour légitimer leurs positions. Pour d’autres, la cause palestinienne porte le drapeau du panarabisme qui a causé à l’Algérie plus de mal que de bien.

Naturellement, partis politiques, systèmes et lobbys ne font qu’une bouchée de ces deux groupes qui leur offrent des arguments gratuits et des raisons d’être quand ils n’ont en pas.

Et comme nos politiciens aiment les discours et la rhétorique, seul moyen d’attirer et de retenir les peuples, ils sautent sur l’occasion pour s’ériger en leaders et donneurs de leçons qu’ils n’ont jamais été.

Fin des doubles discours

Et si Trump nous avait rendu service? Grâce à sa décision historique, il nous a épargné les doubles discours des leaders arabes. Son amateurisme nous change de la langue de bois habituelle.

Trump nous a offert une sorte de consultation psychologique collective pour mettre à nu nos faiblesses, nos défauts et nos complexes que nous cultivons ab antiquo. Nous savons maintenant que nous sommes incapables. L’histoire, nous ne l’écrivons pas, nous nous contentons de la chanter, comme l’ont fait les icônes arabes Om Kalthum, Fairuz, Cheikh Imam et d’autres…

Effectivement, au lieu de rassembler nos idées et de concentrer notre énergie sur le fond humaniste de la cause palestinienne, nous allons changer nos photos de profiles facebook, publier des statuts Twitter et facebook en boucle et insulter Trump, Natanyaho et Israël en commentaires.

Il s’agit de la fin d’une ère et le début d’une autre, les Arabes savent désormais qu’ils ont perdu une bataille capitale, ils ont au moins gagné en réalisme. La gifle que vient de leur donner Trump finira par les réveiller comme un coup d’électrochoc.

Au-delà d’une guerre

Une baie de jour s’ouvrira peut être si l’on finit par comprendre que la cause palestinienne ne doit pas être plaidée sur fond religieux ou ethnique même si nul ne peut nier la facette religieuse du conflit, mais la maturité morale c’est de traiter ce dossier d’un point de vue humain, rassemblant les citoyens du monde et les opprimés de la terre de l’Asie à l’Europe de l’Est en passant par l’Afrique, comme l’a fait la guerre d’Algérie.

C’est dire qu’il s’agît d’une injustice subie par un peuple qui n’est pas libre de décider de son sort et s’opposer à toutes les instrumentalisations politiques ou religieuses qui nuisent terriblement au peuple palestinien.

Et la Palestine se libèrera lorsqu’on arrêtera d’idolâtrer certains personnages de son histoire et d’accepter de travailler discrètement pour affronter tous ses ennemies, même ceux qui se cachent parmi nous. Stratégiquement, le manque de moyens n’est pas le fond du problème, ce sont les tiraillements entre les forces se disant « libératrices » et l’absence d’une vision claire pour la Palestine qui le sont.

D’autant plus que la dispersion des groupes et les surenchères politico économiques autour du conflit avec un Fatah irréaliste et une OLP endormie, il sera difficile voire impossible d’y parvenir pour le moment…

S’il est trop tard pour nous autres, au moins apprenons à nos enfants que la cause palestinienne est une question de violation de droit et d’abus au lieu de leur répéter la même chanson sur l’arabité et l’enjeu musulman. Nous avons encore une chance de réveiller la conscience en changeant de stratégie avec les générations à venir qui devront comprendre que le combat est avant tout humaniste et moral.

Et que la Palestine est surtout une terre à défendre.

LIRE AUSSI: LES ARABES NE SONT PAS PRO PALESTIBIENS, ILS SONT ANTI JUIFS: http://www.mondafrique.com/les-theories-fumeuses-d-une-marocaine/larabe-nest-pas-propalestinien-il-est-anti-juif/