Présidentielle algérienne, les internautes vent debout contre Bouteflika

A l’ère de l’internet et de la prolifération des réseaux sociaux, une véritable levée de boucliers des internautes algériens aura accueilli les tentatives du pouvoir d’imposer sa propagande officielle en faveur du Président candidat, Abdelaziz Bouteflika.

reseau-sociauxJamais le pouvoir algérien n’a mis autant de moyens pour imposer la réélection annoncée du candidat officiel, Abdelaziz Bouteflika. Pas de chance, les internautes ne se privent pas d’user et d’abuser du seul espace de liberté où ils peuvent s’exprimer. Jeunes et moins jeunes se rabattent sur twitter, facebook et youtube pour passer des messages qu’on ne voit nulle part ailleurs.

Surchauffe sur le Net

A quelques heures de l’ouverture des bureaux de vote, la campagne sur le net bat son plein. D’un coté, les partisans de Bouteflika, 424 398 abonnés à sa page facebook; de l’autre, ceux de Benflis, 239 446 également sur facebook. La majorité des Algériens présents sur les réseaux sociaux affirment leur refus d’un vote où le vainqueur est déjà connu. Aussi détournent ils avec délectation les messages du pouvoir. Le pays est en «pilotage automatique» depuis une année, «avons-nous besoin d’un président ?».  Et les réponses ironiques pleuvent. Toutes vont dans un même sens : «Ce pays a été toujours géré par un pouvoir occulte. La façade ne change rien».<

Circulent aussi des vidéos à l’instar de celle tournée à Londres par des immigrés algériens partisans du boycott. Cette vidéo amusante est postée sur le compte youtube de boycotteurs de la présidentielle qui se sont donnés rendez-vous en face de l’ambassade d’Algérie dans la capitale britannique. Devant un gâteau aux couleurs de l’Algérie, on les voit porter les déguisement des frères Bouteflika (Abdelaziz et Saïd), de l’ancien ministre de l’énergie Chekib Khelil, de l’actuel ministre des transports Amar Ghoul, du général major Mohamed Medienne dit Toufik et d’autres responsables algériens accusés par la population d’être des corrompus avérés. Face à la caméra, ils se partagent des parts de gâteau. Pas de raison à que ce soit toujours les mêmes. Et de s’interpeller : « Ghoul, tu veux une part ? » ou « Hadarat -salut militaire en arabe -» voici votre part »… Ils sont joyeusement délurés.

« Je vote… ils bouffent »

Toujours côté partisans du boycott, on pouvait lire sur grand nombre de statuts d’algériens hier : «Je vote , tu votes ,nous votons… ils bouffent». Pour eux, voter n’a qu’un sens donner au « soi-disant» élu l’opportunité de vider un peu plus les caisses de l’Etat ou ce qui en reste. Les auteurs, artistes et journalistes ne sont pas en reste de cette dynamique. C’est le cas de l’auteure féministe Wassila Tamzali. On pouvait hier lire son dégoût de la nouvelle vidéo appelant à voter pour le président candidat. Ce clip intitulé « Avec toi tous unis », arrache à Wassila Tamzali un dédaigneux «le pic de l’émotion c’est quand l’islamiste rejoint le groupe de bons citoyens. La nation réconciliée ! Pour la fin vous aurez droit à une image d’archive». Yasmina Khadra, qui s’était déclaré candidat à la candidature à l’élection présidentielle, n’hésite pas lui, à qualifier les algériens de «peuple mort», leur reprochant d’accepter qu’un «mourant les gouverne».

Les télévisions qui font dans la propagande pour le candidat président sont prises à partie par les internautes. Tout est enregistré, commenté et tourné en dérision. Deux chaînes se partagent la palme d’or dans ce persiflage des internautes algérien. La chaîne publique et la chaîne privée Al Nahar. Si la première appelée par les algériens l’orpheline parce qu’elle est restée longtemps la seule télévision proposée aux algériens, la seconde est une jeune télévision du groupe de presse du même nom. Son propriétaire, un proche de Saïd Bouteflika mène une campagne déloyale en faveur de Bouteflika. A coups de mensonges et de messages subliminaux, la chaine descend en flamme tous les opposants au quatrième mandat. Nul n’est épargné des jeunes de Barakat jusqu’aux autres candidats à la Présidentielle du 17 avril, nul n’a trouvé grâce aux yeux des personnes qui y travaillent. «Ils font la sale boulot pour leurs maîtres», peut-on lire partout. On a même baptisée cette télé de «chaîne des âneries « istihmar» sur les différents réseaux sociaux. La campagne est tellement féroce contre la chaine et ses responsables qu’elle a été mise sous protection de la police jour et nuit. Deux fourgons de police surveillent l’immeuble situé dans la banlieue ouest de la capitale. Beaucoup d’autres internautes, plus jeunes, ne sont pas concernés par le scrutin présidentiel. C’est le cas de nombreux étudiants qui ont mis en guise de statut hier «Un jour je serai citoyen .. un jour je voterai».

Le rejet de l’élection demain sera-t-il pour autant influencé par ce refus général de la situation ? Absolument pas. Ceux qui connaissent l’Algérie, savent pertinemment que les élections se jouent ailleurs que dans les urnes. L’abstention reste toujours la grande inconnue d’un scrutin qui ne signifie plus rien pour les Algériens.

PAR NIDHAL DAÏM