Saïd, le régent de Zéralda (IV épisode)

Mondafrique s’est procuré le quatrième épisode du vrai faux journal de Saïd Bouteflika, le frère du président algérien malade et impotent. Dans l’ombre, cet ambitieux est devenu l’un des hommes les plus puissants d’Algérie. Dans ce quatrième opus, il livre sa recette miracle pour museler la presse

SaidVous êtes nombreux à vous interroger sur l’identité de l’auteur de ce vrai faux journal (ou faux-vrai journal). Pourtant, il est bien précisé qu’il s’agit de mon propre journal à moi, Saïd Bouteflika, le régent de Zéralda. Il est vrai que je n’ai ni le talent ni la vocation pour exercer le métier de journaliste. Mais, ce que je fais, là, n’est pas un exercice journalistique. Ce n’est ni de l’enquête ni du commentaire encore moins de l’info même si le contenu de ce journal contient une foule d’informations me concernant.

Cependant, j’avoue que pour rédiger ce journal, je dois beaucoup aux journalistes de Mondafrique.com qui ont eu l’amabilité de m’accorder l’hospitalité de leur site en échange de ma plume empruntée tour à tour par ceux d’entre eux qui s’intéressent à ma vie et à mon mon rôle dans les arcanes du pouvoir algérien.

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Certaines mauvaises langues ne manqueraient pas de se demander pourquoi ne pas solliciter un journaliste algérien et utiliser un support médiatique algérien. Ma réponse est claire. Pas besoin d’être grand clerc pour la deviner.  Dans la presse algérienne, il y a deux catégories de journalistes. Ceux qui ne me portent guère dans leur cœur pour je ne sais quelle raison et ceux qui se mettent à plat ventre devant moi avec un zèle affligeant. Avec les premiers, il est hors de question de discuter. Nous ne boxons pas dans la même catégorie. Ce sont des gens forts, aguerris, expérimentés et surtout intelligents. Ils savent que je ne vais pas durer. Un jour ou un autre je finirai par disparaître des coulisses du pouvoir. Je ne serai plus d’aucune utilité. Quant à la seconde catégorie on y trouve de tout. Du fourbe au laudateur intéressé en passant par le champion de la brosse, le flagorneur  occasionnel qui s’agenouille devant le premier venu et l’opportuniste malin qui saute sur les bonnes occasions et au moment opportun pour se remplir les poches et frimer à Sidi Yahia, le nouveau quartier chic d’Alger, en se vantant d’avoir pris un café avec moi alors que je n’ai fait que lui esquisser un sourire hypocrite à la mesure de ses mesquineries. Cette catégorie de journalistes a un dénominateur commun : l’incompétence et le retournement de casaque. Hier, ils ciraient les pompes du dernier des caporaux du DRS. Aujourd’hui, ils se mettent à plat ventre devant moi. Mais, j’avoue qu’ils ne me causent pas le moindre souci à la différence des frondeurs de la première catégorie. Ces derniers me donnent vraiment du fil à retordre. Avec eux, je dois prendre le relais de mon frère qui a horreur de la presse.

Sa haine de la presse, mon frère président l’a affichée dès son arrivée à El-Mouradia. La première chose qu’il avait à faire c’était de fermer le bureau de la chaîne qatarie Al-Jazeera. Non pas pour sa ligne éditoriale ou pour ses prises de positions. Juste pour punir l’un de ses journalistes, Ahmed Mansour pour ne pas le nommer. Alors qu’il interviewait, en duplex, mon frère, alors candidat à la présidence de la république, il a eu le toupet de l’interrompre avant la fin de l’interview parce qu’il y avait eu, selon ses patrons, un évènement plus important. Le bombardement du Kossovo. En voilà des manières ! Couper la parole à celui qui allait présider aux destinées de l’Algérie et dont le passé a fait rougir d’envie ses successeurs à la tête de la diplomatie algérienne, n’est-ce pas là un manque de respect et de considération ? En parlant de respect, ce Ahmed Mansour n’en connaît pas le moindre bout. Il est d’une insolence à vous couper le souffle. Oui, il est insolent et incorrect. Il suffit de voir comment il dirige ses entretiens dans son émission « bila houdoud » (sans frontières). Une émission qui porte bien son nom tant le journaliste ne connaît pas de limites en s’attaquant à ses invités par des questions aussi incongrues qu’inconvenantes.

Je n’accuse pas à tort ce journaliste. Les lecteurs peuvent retrouver la vidéo de l’entretien sur youtube et vérifieront d’eux-mêmes. Ils verront comment ce journaliste se permettait de malmener le futur président de l’Algérie en l’interrogeant sur les fonds des ambassades qu’il avait placés dans une banque suisse quand il était ministre des affaires étrangères et ses démêlées avec la cour des comptes. En quoi ça le regarde ces histoires de reliquats des trésoreries des ambassades d’Algérie à l’étranger ? C’est l’argent de son père qu’a pris mon frère ? C’est l’argent de l’Algérie. C’est notre argent à nous. De quoi se mêle-t-il ?

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Aussitôt élu, la première décision que prend le président c’est la fermeture du bureau d’Al-Jazeera à Alger. Wallah (je jure par Dieu) que tant que nous sommes au pouvoir, cette chaîne n’obtiendra jamais d’accréditation pour agir en Algérie. Cela dure depuis plus de 15 ans et ça va durer encore. Rancuniers, dites-vous ? Oui, nous le sommes. Et gare à celui qui oserait se frotter à nous. Demandez à Benchicou ce que nous lui avons fait…

Polémiste, la plume trempée dans du vitriol quand il s’agit d’écrire de mon frère, Mohamed Benchicou, le directeur de feu le quotidien Le Matin a été le deuxième gros morceau épinglé à notre tableau de chasse. Nous lui avons montré comment les Bouteflika incarnent le pouvoir dans toute son horreur, comme il le prétend.

Dès l’annonce de la candidature de mon frère à la présidence de la république, Benchicou appela à la mobilisation contre mon frère. Tout au long de la campagne électorale il faisait étalage de son hostilité en donnant la parole à ses  adversaires et à ses détracteurs sous prétexte qu’il devait agir en professionnel et ne pas soutenir celui que la presse désignait comme candidat du pouvoir.

Tout au long du premier mandat le président faisait le dos rond. Il laissait les choses s’accumuler. Pour se maîtriser et éviter de commettre une bourde qui risquait de se retourner contre lui, mon frère s’était défoulé sur le ministre de la communication hérité dans le gouvernement de son prédécesseur. Ce ministre était trop proche des journalistes. Il faisait copain-copain avec eux. Il ne sait pas tenir ses distances et se mettre dans la peau d’un homme d’Etat. Alors, dès la première réunion du conseil des ministres présidée par mon frère, ce ministre est dégommé séance tenante.

Ah ! Comme il était beau à voir mon frère quand, rivant ses yeux vers les ministres assis à sa droite, il lança d’une voix forte à faire trembler les murs de la salle de réunion « qui est ce Abdelaziz Rahabi ? Qui est ce ministre au pouvoir qui, en même temps, fricote avec les journalistes ? Je ne le connais pas et je ne cherche pas à le connaître. Seulement, il doit savoir qu’à partir d’aujourd’hui il n’est plus ministre de la communication. Je le mets à la disposition du chef du gouvernement. » Un silence de cimetière planait sur la salle que mon frère ne tarda pas à déchirer par une autre annonce sur le même ton que la première. « Qui c’est ce Tedjini Salaouandji ? Je ne le connais pas et je ne cherche pas à le connaître. Il remplacera Rahabi en attendant la composition du nouveau gouvernement. » Et mon frère d’ajouter à l’adresse du nouveau ministre de la communication en répétant trois fois « il viendra prendra ses ordres ici. »

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Le président venait d’annoncer la couleur. La presse doit être sous son contrôle. Ce n’est pas pour rien qu’il s’est autoproclamé rédacteur-en chef de l’APS (l’agence officielle) et patron de la chaîne unique de la télévision nationale. Deux organismes passés sous mon contrôle direct depuis peu. Ainsi que le ministère de la communication où j’ai placé un bon sbire à moi.

Pour revenir à Mohamed Benchicou, le directeur du Matin, nous avons du attendre la réélection de mon frère pour un deuxième mandat en 2004 pour passer à l’offensive contre ce journaleux qui, non content de nous attaquer quotidiennement dans son journal, est allé écrire un livre au titre aussi provocateur qu’indécent. « Bouteflika : une imposture algérienne ». Là, on ne peut que dire trop, c’est trop ! Il va falloir le détruire ce Benchicou. Il faut l’écraser. Le réduire à néant. A la sortie du livre nous étions tous fous de rage. Ni le président ni moi ni les autres frères et sœurs n’avions pu lire ce qui était écrit. C’était insoutenable. Impossible de lire deux paragraphes sans prendre le risque de tomber en syncope.

Nous avons tenu un conseil de famille pour décider de la meilleure manière de détruire ce bonhomme. Oui, un conseil de famille. Pas un conseil de ministres ou autre chose du genre. Dans des situations pareilles, les Bouteflika sont solidaires et ne font confiance à personne. Nous nous sentions tous concernés. Chacun des membres de la famille allait de sa proposition.

On avait commencé par prendre des mesures douces. On son ardoise de l’imprimerie. Soit il paye soit on arrête le tirage du journal. Il trouve la parade en allant imprimer chez un privé. Et il continue de s’attaquer au président de plus belle. On mobilise le fisc pour le mettre à genoux financièrement. Cela prenait du temps. On a finit par se rendre à l’évidence. Aux grands maux, les grands remèdes. Une cabale et le polémiste est envoyé en prison pour deux longues années qu’il purgera intégralement et sans un seul jour de remise de peine. Cerise sur le gâteau on le dépouille de son journal en procédant à la saisie de son immeuble acheté tout récemment, et du coup le quotidien Le Matin ne sera plus dans les kiosques. Il fait partie du passé. Qu’il aille écrire des livres, maintenant. Oui, à propos de livres, il y en a un qui nous prépare une « belle surprise » comme il dit. Il annoncé les grandes lignes de son ouvrage. J’en parlerai dans le prochain épisode. Il n‘a qu’à bien se tenir !