Saïd, le régent de Zéralda (VI épisode)

Dans le sixième épisode de son journal intime, que le site « Mondafrique » s’est procuré, Said Bouteflika, le frère du président, se laisse aller dans la torpeur de l’été finissant à quelques réflexions mélancoliques sur le vertige américain de l’épouse du Premier ministre, qui a accompagné son mari au sommet organisé par le président Obama

SaidZéralda, le 20 aout

Il ne manquait plus que ça ! Alors que mon frère est entre la vie et la mort et pendant que je me démène comme je peux pour le soustraire aux projecteurs de l’actualité, voilà qu’un magazine américain, le FORBES, pour ne pas le nommer vient révéler que le président Abdelaziz Bouteflika avec 244 millions de dollars détient la dixième fortune des chefs d’Etats arabes.

Farida, première dame

Quelle mouche a piqué ces Américains pour venir sortir une information vieille de trois ans ? Et en ce moment précis ? On n’a pas besoin d’être parano pour suspecter un complot ou une tentative de déstabilisation d’origine américaine. La visite de notre Premier ministre aux States où il a représenté mon frère au sommet afro-américain aurait donné des idées aux ricains. En posant avec les Obama, Farida Sellal, cette femme aux ambitions démesurées se voit déjà première dame d’Algérie. Rien ne l’aurait empêché de susurrer dans l’oreille du président américain sa disponibilité à concéder des puits de pétrole dans le Sahara algérien en contrepartie d’un petit coup de pouce pour propulser son mari au palais d’El-Mouradia. Elle a de fortes craintes que mon ami Ali Haddad, qui a fait partie de la délégation algérienne aux States, dame le pion à son guignol de mari. Certes Ali Haddad n’a ni l’étoffe ni l’envergure pour prétendre à la succession d’un grand homme d’Etat comme mon frère. Mais, Sella, l’a-t-il, lui, cette étoffe ?

Je savais Fraida Sellal curieuse et arriviste. Je lui ai fais pas mal de concessions comme celle de nommer une amie à elle dans le gouvernement dont j’ai confié la conduite à son mari après la présidentielle du 17 avril. Ce qui lui permet de prendre des airs devant les autres femmes de son entourage. J’ai fermé les yeux sur les nombreuses affaires qu’elle mène avec sa fille et son beau fils André (un libanais maronite), en brassant une fortune dont elle n’avait jamais rêvée. J’ai compris ce que cherche cette femme. Elle veut être le Saïd Bouteflika du premier ministre.  N’est pas Saïd qui veut.

Et il me semble que l’épouse du premier ministre commence à voir plus gros que ses yeux. La photo prise avec les Obama lui a, certainement, donné le vertige. Voilà, pourquoi Madame est allée comploter avec les Américains en évoquant la fortune du président. D’ailleurs, je tiens à démentir cette information vieille de trois ans. Les Américains qui se sont toujours montrés pro-marocains ont voulu humilier le président algérien en le classant derrière le roi Mohamed VI dont la fortune est évaluée à 2,5 milliards de Dollars. Or, notre fortune (je dis notre dans la mesure où c’est moi qui gère le patrimoine familial et qui sais comment le faire prospérer) était évaluée à 900 millions de Francs suisse  il y a plusieurs années de cela par une chaîne de télévision suisse mieux informée que les Américains de FORBES sur les avoirs déposés dans les banques genevoises.

Mon frère, ce milliardaire

Mieux encore, dans les années soixante-dix, on disait déjà que mon frère était milliardaire, alors que Mohamed VI n’était pas encore né. Feu président Chadli reconnaissait dans une confidence faite au journaliste Mohamed Benchicou que mon frère avait sur ses comptes la contrevaleur de 6 milliards en monnaie algérienne (l’équivalent de 600 millions d’Euros de nos jours avant la dévaluation du dinar en 1993). De cette somme il faudrait retirer  10% du montant remboursé au trésor algérien). C’est dire que les 245 millions de dollars que nous prêtent FORBES c’est du pipi de chat. Nous avons toujours vécu dans l’aisance financière. Bien avant qu’on prenne les commandes d’un pays qui vit une véritable embellie financière, depuis notre arrivée au pouvoir, grâce à la flambée des prix du pétrole.

Que les curieux se calment. Je ne vais pas donner un scoop dans ce journal intime pour le plaisir de démentir le magazine FORBES. Non, je ne dirai rien sur la fortune des Bouteflika. Mais, je fais remarquer que nous n’aurons aucun complexe à nourrir devant la famille royale marocaine si demain on venait à s’installer sur notre sol natal. Nous n’aurons aucune difficulté à justifier l’origine de notre fortune pour avoir eu à gouverner pendant plus de quinze ans, et plus j’espère, sur un pays pétrolier. Ceci sans compter les 13 années où le frangin était ministre des affaires étrangères. Même durant ce qui a été appelé sa traversée du désert, il a travaillé comme consultant chez beaucoup d’Emirs arabes qui lui ont bien garni ses comptes bancaires en Suisse.

Vers une monarchie républicaine

Pour l’instant, je m’efforce de tout mettre en place pour éterniser notre pouvoir. Nous vivons le passage vers une monarchie républicaine qui fait élire son souverain tous les cinq ans tout en lui assurant le succès sans qu’il ne se donne la peine de faire une campagne électorale ou solliciter la confiance des électeurs par un tout petit message. On se contentera du rôle qu’auront à jouer  les courtisans de la cour.

Quand je lis les commentaires de certains de ces sujets sur les réseaux sociaux et en réaction à l’information relayée par le seul quotidien algérien Echourouq, je me réjouis et cela m’encourage à persévérer pour faire perdurer le pouvoir des Bouteflika. Certains de ces sujets n’ont vu aucun inconvénient à ce que mon frère amasse une fortune de 245 millions de dollars. Il y en a même un qui a trouvé que « c’est méritée pour un homme qui a sacrifié sa vie pour l’Algérie.» D’autres n’ont pas manqué de voir, à travers la divulgation de cette information, une manœuvre marocaine pour  déstabiliser l’Algérie. D’autres encore, nourris au discours de la guerre des clans, pointent du doigt le DRS. Mais, quelques soient leurs divergences, ces braves sujets ne succombent jamais à l’influence des forces hostiles à notre pouvoir et ne voient aucun inconvénient à ce que Abdelaziz Bouteflika poursuive son œuvre à la tête de l’Etat algérien même à partir de son lit de douleur. Et si nécessaire c’est à moi, son frère, de prendre la lourde responsabilité de poursuivre cette œuvre puisqu’il ne peut y avoir personne d’autre que moi aussi fidèle et loyal au président.

L’amour du peuple algérien

J’ai la certitude que les Algériens aiment les Bouteflika. Et ce ne sont pas les quelques aigris et autres inconscients qui me démentiraient. Quelqu’un qui est inconscient de ses propres intérêts et qui ne cherche pas à tirer profit de ce que nous pouvons lui offrir ne peut pas servir les intérêts de la communauté. Ce ne sont pas, non plus, les quelques agitateurs du mouvement « BARAKAT » qui me feraient plier moi, Saïd Bouteflika le seul à avoir réussi à mettre à mes pieds ces supposés puissants généraux. A commencer par leur chef, le sergent Garcia …Salah, le chef d’état major, qui ne jure pus que par moi, le petit et frêle Saïd.

Ma puissance face à ces généraux se confirme de jour en jour. Comme l’année passée quand j’avais hospitalisé le président à Paris, aucun d’eux n’avait osé mettre son nez dans les affaires familiales en cherchant à avoir de ses nouvelles. Ils ont compris que cela relève du secret de famille. C’est la même chose aujourd’hui. Depuis le 15 juillet, le président est au repos et aucun général n’a demandé à le voir ou à lui parler. Je suis leur seul interlocuteur. Les affaires familiales et le secret de famille ne relèvent pas de leurs prérogatives. Et ça, ils l’ont bien compris les Gaïd Salah, Toufik and co.