Mali, une paix à marche forcée

Les rebelles de la Coordination des mouvements de l’Azawad (CMA) ont signé l’accord de paix samedi 20 juin à Bamako. Mais la situation reste marquée par de fortes tensions intercommunautaires

PHO3d667134-c0e7-11e4-916d-7ca45eef0696-805x453Samedi 20 juin doit avoir lieu la signature de l’accord de paix de Bamako destiné à mettre un terme à la crise profonde qui mine le Mali depuis 2012. Après avoir rejeté l’accord élaboré le 15 mai dernier par la médiation internationale suite aux négociations d’Alger, les groupes armés de la CMA ont finalement indiqué qu’ils acceptaient de signer le document.

Pressions internationales

Un revirement qui s’explique d’abord par la forte pression exercée par la Communauté internationale. « La France, l’Onu… tout le monde pousse » confie une source sécuritaire française. Un peu trop même, regrettent plusieurs responsables du MNLA, les indépendantistes touaregs qui restent sur la défensive. « C’est une signature à marche forcée » déclare Moussa Ag Assarid, représentant du MNLA en Europe. « La délégation de la CMA à Bamako est en effectif réduit et triée sur le volet pour que l’accord passe à tout prix ».

Partagée par une grande partie des représentants de la CMA, l’impression d’une paix imposée est toutefois tempérée par quelques avancées. « Dans cet accord nous avons pu obtenir des points importants s’ils sont satisfaits. (…) La CMA a notamment obtenu la nomination de Taoudeni et Ménaka comme de nouvelles régions de l’Azawad qui seront désormais au nombre de cinq en plus de Gao et Kidal » souligne Mahmoud Djeri Maïga, vice président du MNLA joint par téléphone à Kidal. Autre point de satisfaction, « 60 % de la sécurité territoriale du nord Mali sera assurée par des militaires de la CMA. Les 40 % restant seront constitués de militaires de l’armée malienne et des milices pro-gouvernementales » relève Djeri Maïga.

« Climat de guerre civile »

Il y a cependant loin de la parole aux actes. « L’application de l’accord dépend de la volonté des deux parties à s’acheminer vers une vraie paix. Pour l’instant nous restons très méfiants face à notre adversaire qui a monté nos frères contre nous » explique Djeri Maïga.

De fait, sur le terrain, la situation demeure extrêmement instable et de violents affrontements continuent d’opposer les groupes rebelles aux milices pro-gouvernementales. Le 27 avril, le Gatia, une milice pro-Bamako, s’était emparée de la ville de Ménaka, au nord-est du pays contrôlée auparavant par la CMA. Après d’interminables tergiversations qui ont fait peser une lourde hypothèque sur la signature de l’accord, le Gatia a accepté, jeudi 18 juin de se retirer de cette localité.

Une victoire pour les groupes rebelles qui doutent cependant de la perrenité de cet engagement. « Pas sûr que cela tienne longtemps » pointe une source touareg basée en Mauritanie. « Jusqu’à maintenant, c’était un véritable climat de guerre civile qui régnait dans la zone de Ménaka, avec enlèvements et exécutions sommaires » affirme la même source.  « Pas plus tard que mercredi, six personnes ont été capturées par le Gatia et le Mujao qui agissent de concert dans cette région, notamment pour l’acheminement des convois de drogue ».

Du côté des rebelles touaregs, on accuse régulièrement le gouvernement malien de combattre en priorité les indépendantistes du MNLA plutôt que les groupes terroristes. A Bamako, les autorités pointent quant à elle régulièrement l’existence de passerelles entre les rebelles touaregs et les groupes terroristes justifiant la nécessité de désarmer les mouvements rebelles. Un positionnement qui envenime fréquemment les relations avec les forces militaires étrangères présentes au Mali. « Les autorités maliennes ont du mal à accepter que Barkhane ou la Minusma ne puissent jouer qu’un rôle d’interposition. Pour eux, ils sont là pour défendre le Mali » explique un diplomate africain.

Paix sur le papier

Outre les pressions internationales qui risquent de conduire à une simple « paix sur le papier », la crainte de l’isolement explique également en partie la décision annoncée de la CMA de signer l’accord de paix le 20 juin. « Les rebelles ne veulent pas s’isoler du reste des acteurs des négociations » analyse une source diplomatique engagée dans le processus de médiation. « Nous voulons garder une bonne image et montrer notre volonté d’aspiration à une vraie paix durable avec la communauté internationale » indique pour sa part Ibrahim Ag Mohamed Assaleh, président de la Coalition du peuple pour l’Azawad (CPA), autre groupe membre de la CMA.

Enfin, signer l’accord de paix permet à la CMA de renvoyer la balle dans le camps de Bamako. « C’est une façon pour les rebelles de mettre les milices pro gouvernementales au pied du mur. Si elles attaquent alors que les deux parties ont accepté de signer, le gouvernement malien risque d’être désavoué » pointe un diplomate.