Société Générale, des millions d’amende pour des milliards de trucages

La Société Générale débute la saison des giboulées en fanfare : un petit chèque côté subprimes, un refus d’en faire un gros côté manipulation de l’EURIBOR…

26896Du temps où ses lecteurs avaient encore la rage contre les banksters, le journal Bakchich s’était fait l’écho de la plainte lancée le 2 septembre 2011 par la Federal Housing Finance Agency (FHFA) contre 17 banques qui avaient abusé de la candeur de Fannie Mae et Freddie Mac, ce couple d’investisseurs institutionnels débonnaires ayant un goût prononcé pour le marché hypothécaire américain auxquels elles avaient lâchement proposé de racheter des créances hypothécaires aussi pourries qu’encombrantes pour leurs bilans. Signe de l’esprit de conquête qui animait la Société Générale au temps béni des subprimes, son nom figurait sur la liste des 17 banques scélérates. La FHFA chargée par le gouvernement US de mettre Fannie et Freddie en soins palliatifs, a donc lancé les hostilités comme prévu afin de ramener un peu d’oxygène à ses deux patients.

Bal des repentis 

En 2013, l’agence est parvenue à faire rentrer dans les caisses de l’Oncle Sam, près de 8 milliards de dollars au terme de transactions désormais passées dans les mœurs de la haute finance (« too big to jail »), les banksters s’acquittant sans rechigner des amendes qui leur sont infligées pour avoir violer la loi, dont ils prélèvent sans état d’âme les montants sur les profits astronomiques qu’ils réalisent précisément en s’affranchissant des règles du jeu.Surprise, surprise, la plus grosse transaction de 2013 a été conclue avec JP Morgan Chase qui a fait un modeste chèque de 4 milliards de dollars à elle toute-seule pour voir la FHFA passer l’éponge. Par comparaison, que dire de l’aumône de 250 millions faite à la FHFA par Citigroup Inc qui s’est sortie d’un de ses nombreux faux-pas à moindre frais. La Société Générale a donc ouvert le bal des repentis en 2014, en concluant avec le tuteur de Fannie et Freddie la 8ème transaction du genre, officiellement annoncée le 22/02/2014 par la FHFA sur son site internet et dont nos lecteurs pourront prendre connaissance en annexe. Le tout moyennant 122 malheureux millions de dollars, payables dans les 10 jours de la signature de la transaction et sans admettre la moindre culpabilité comme il est de mise dans ce genre de négociation, menée de main de maître par le cabinet d’avocats Skadden, Arps, Slate, Meagher & Flom LLP pour le compte de la banque française qui a annoncé le 12 février avoir constitué une provision de 960 millions de dollars pour les litiges qui connaîtront leur dénouement dans l’année. Sitôt l’affaire classée (du moins au pénal) la banque de Fréderic Oudéa a porté le fer dans une autre plaie. Celle née de la scandaleuse manipulation de l’EURIBOR, sorte de LIBOR européen, qu’elle est accusée par la Commission Européenne d’avoir joyeusement trituré avec quelques copines, pour leur plus grand bénéfice. S’étant, là encore, vu infliger une « sanction financière transactionnelle » de 445,9 millions d’euros, la SocGen a décidé d’en interjeter appel.

La banque encore «victime» d’un de ses traders 

Pas parce qu’elle conteste le fait d’avoir pipé les dés entre mars 2006 et mai 2008, mais parce que le mode de calcul ayant conduit à cette nouvelle sanction lui paraît discutable. Un comble… Histoire de se donner toutes les chances de voir prospérer son recours, la banque rouge et noire a cru bon de rappeler avec emphase les conclusions de l’enquête des autorités européennes selon lesquelles l’un de ses traders se serait rendu coupable des malversations collectives menées au préjudice des emprunteurs européens. Une enquête ayant établi que «…cet opérateur n’était pas l’instigateur de ces tentatives (sic) de manipulation et que, pour l’essentiel, il s’était contenté de répondre aux sollicitations d’un collègue employé par une autre banque… ». C’est vrai que la culture-maison décourage le personnel de la SocGen de succomber à de telles tentations ; tout au plus d’y donner une suite favorable lorsque l’analyse risque/récompense conclut à l’intérêt d’y participer…D’ailleurs la banque a rappelé qu’elle a « complètement revu son processus de participation au benchmarking de taux d’intérêt afin de se conformer strictement aux nouvelles normes définies par les autorités compétentes » Bien entendu, le traitre, qui a quitté la banque en 2009, a agi « à l’insu de sa hiérarchie ou de l’encadrement de la banque » ; ça vous rappelle quelqu’un ?

Cet article a été publié dans Bakchich.info